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Monday 19 February 2007

[Une histoire d’amour merdique] (deuxieme partie)

Abed el Mawla poursuivit le rasage tout en regardant le miroir. Il vit beaucoup de sang, beaucoup de mots assassinés. Il voulut se souvenir de ce fil gluant mais ne trouva pas les mots qui y correspondaient. Il voulut s’arrêter mais ses doigts trouvaient du plaisir à écrire son histoire sur ses traits qui devenaient de plus en plus clairs. Il commençait à s’habituer à sa nouvelle apparence et à ses nouvelles couleurs…Le rouge écarlate sur l’étendue blanche, (son visage couvert de la mousse à raser), l’attirait. La vue des mots assassinés qui pendaient sur ses lèvres le captivait.

Il vit son « amour dans une feuille de mûre » fuir en se dirigeant vers sa tête. Elle voulait se cacher de la tyrannie de ses doigts. Mais Abed lâcha la bride à sa lame et, quelques instants plus tard, « amour dans une feuille de mûre » tomba à terre succombant à ses blessures et le titre de son ancien amour tomba avec elle.

Je n’oublierais jamais le cri lâché par la « mûre » lorsqu’elle tomba à terre avant d’être piétinée par ces pieds nus. Abed el Mawla admira son visage dans le miroir et trouva un trou dans son crâne. Il regarda de plus près et vit des tonnes de mots tremblant de peur. Certains s’approchaient de la lame avec un plaisir extrême. Il les regarda de plus près et réussit à les lire : « Masochiste ». Les voilà qui courent les bras ouverts, se jetant, avec extase, entre les deux lames du rasoir. Abed el Mawla n’avait jamais senti autant de plaisir auparavant. C’est ce qui le poussa à les unir avec leur destinée fatale ; ses doigts continuèrent leur voie, agrippés au rasoir, qui, luisant sous la lumière, laissait transparaître son appétit grandissant pour les mots. Ses doigts jouissaient à l’écoute de ces cris macabres et dirigeaient la lame vers ces phonèmes sensuels : ils blessèrent « Ahh », massacrèrent « soupir », disséquèrent « gémir », jetèrent « murmure » dans le fil liquidien qui coule du robinet accolé au triste mur et étouffèrent le mot « triste » et toutes les conjonctions de coordinations qui se trouvaient du côté droit du trou :

Abed el Mawla se souvint de sa petite histoire mais la vue de toutes ces lettres poussant des cris de détresse le charma. Il se dit qu’il n’avait pas besoin de plus de deux mille mots pour écrire son « histoire d’amour merdique » puis continua à admirer le massacre de ses souvenirs, de son passé. Soudain, il vit « seins tendres » et « mamelle » remonter du trou. Il reprit son rasoir souriant en exhibant ses lames à la lumière et s’attaqua à « mamelle » en premier (il était plus remonté que « seins tendres »). Ensuite, il refit le même geste encore et encore jusqu'à ce qu’il eut déchiqueté ce qui restait de « seins tendres » :

Elle était nue lorsqu’il l’avait surprise, pour la première fois, avec un baiser sur son balcon.

Elle a toujours était nue et il n’a jamais arrêté d’aimer ce corps sensuel, ces lignes harmonieuses et cette odeur qui ressemblait à l’odeur de la terre.

Il n’a épargné aucun « e » muet lors de sa froide aventure sanguinaire. En fait, il était à la chasse de tous les mots traînant derrière elles des « e » entassés. Il n’a d’ailleurs jamais aimé cette lettre et si elle lui plaisait, un jour, il comprendrait alors la nature de ses instincts charnels et de cette féminité. Il aurait sûrement compris que le corps chaleureux d’Avedice ne pouvait se suffire à la chaleur corporelle d’un homme poilu ni à son torse ébouriffé qu’elle aimait tant et ni à son odeur masculine qu’il utilisait pour attirer les femmes langoureuses sur le corps d’Avedice. Les deux, ensemble, formaient un corps et une femme ; une odeur et une femme.

Ce corps a besoin de la chair d’un homme et de la féminité d’une femme ou de la chair d’une femme et de la féminité d’un homme…Il ne pouvait pas comprendre cette antonymie qui dominait son corps : virilité et féminité…et Avedice.

Elle lui suçait son âme comme elle sucerait le jus d’une orange ; elle voulait réveiller en lui la femme qui dort sous la peau orangée. Avedice l’accueillait avec une féminité absolue, assoiffée de son odeur virile campagnarde.

Abed ne fut pas ému lorsqu’il regarda par la fenêtre et vit ce beau matin et senti l’odeur du lit vidée d’Avedice.

Son lit était silencieux…il l’a toujours été !

Il savait que ce beau matin allait venir un jour où Avedice l’abandonnerait…car il connaissait par cœur le parfum de son cœur mélangé à l’odeur de la féminité. Il aimait admirer son corps avide d’une autre femme et assoiffée de la senteur d’un homme, du sein d’une amante, du sexe masculin, de mains coriaces et d’un doux baiser…

Tout le monde savait que ce beau matin allait venir un jour… Tout le monde connaissait le rêve d’Avedice… Tout le monde attendait avec impatience cet instant lorsque Avedice posa un tendre baiser sur le sein de son amie (la petite sœur de Abed) et la prit emmenant avec elle l’odeur de son frère sur son corps…même Abed attendait l’arrivée de ce beau matin.

Il voulait se précipiter sur le « beau matin » au fond du trou mais avant même d’apercevoir sa première lettre il donna le coup de grâce au « lever du soleil », à la « brise parfumée » et au « gazouillement des oiseaux ».

Le trou s’élargissait de plus en plus jusqu’à ce qu’il put voir dans le miroir la réflexion de la photo accrochée sur le mur derrière lui. Cette photo…cette fille, cette histoire, ce baiser, cette nuit-là, cet instant-là, cette prise. Il réussit de voir Avedice dans cette photo lorsqu’il rentra dans la salle de bain, alluma la lumière et appuya sur le bouton de la caméra numérique. Il ne pouvait pas croire ses yeux. Comment réussit il photographier ce fin fil émanant d’Avedice.

Il essaya de se souvenir de ce fil liquidien mais ne put trouver les mots convenables. Il se jeta alors sur le « souvenir » et la « mémoire » et les abattit. Son rasoir resta coincé entre les dents de la lettre « m » mais y trouva un plaisir intense. Sa lame s’excitait à la vue des « m » de « mémoire » ensanglantées et meurtries.

Il se souvint de sa petite histoire, des 2000 mots et des 2000 dollars. Il regarda son trou de plus près et vit un train d’expressions et de mots fuyants. Il aperçut des phrases sans abris. Il vit « au commencement fut le mot » emportant ses affaires et déambulant dans le désert de sa tête comme dans une scène tirée d’un long film western.

يتبع...

3 comments:

shrrr said...

leik!
shu haydol al souwar tahet?
hetelon legende aw shy...

el koubrosli said...

haydol min filma la al rafei
kariban fi el aswak....

Anonymous said...

Il semble que vous soyez un expert dans ce domaine, vos remarques sont tres interessantes, merci.

- Daniel

nb